à propos des Müllers

En cursif, quelques citations de Jean Michel Guy à propos de la rencontre de Jörg et Roman.



Jörg grandit en Allemagne, Roman en Suisse, tous les deux jonglent depuis leur jeunesse.

Leur rencontre peut sembler logique : leur langue commune, leur commune science de la jonglerie, leur expérience de l’altérité (on ne peut pas parler, dans leur cas,  de déracinement  ni d’exil), leur folie douce.

L’un se forme au Centre National des Arts du Cirque CNAC à Châlons-en Champagne, l’autre à la Scuola Toatro Dimitri au Tessin.

La base commune, c’est l’injonction contradictoire de faire du neuf  avec du vieux, et du sacré avec du profane. Ni Roman ni Jorg ne sont, durant leur formation, révolutionnaires a priori : ils s’inscrivent l’un et l’autre dans un mouvement d’émancipation du cirque qui leur permet de chercher, d’expérimenter, de ne pas trop savoir où ils vont. Mais ils ne savent pas ce qu’ils font, si j’ose dire. Ils font.

Jörg invente le jonglage en apesanteur, Roman réinvente le Diabolo sur le plan esthétique et technique

Du moins sont-ils égaux en monstruosité : avant eux, on n’avait jamais vu ça ! On n’avait jamais vu le diabolo autrement que comme un jouet d’enfant, on n’avait jamais vu le jonglage pendulaire de Jörg.

Ça tourne, ça gravite, ça orbite sans cesse.
La simplicité, la réduction à l’essentiel les réunit.

Deux génies. Ce n’est pas, cela dit, la jonglerie, ni l’allemand, qui à mon sens les réunit. C’est leurs rires. Roman rit à tout bout de champ, il rit de tout, il se rit de tout, moins par ironie que par plaisir ! La vie est, en tant que telle plaisante. Roman est cette personne qui s’interdit tout malheur dans la vie courante en jetant tous ses malheurs (éventuels) dans la création. Roman jette tout le tragique dans son art, et c’est là qu’il est grand.
Jörg est un mec qui cache son jeu, pratiquement en permanence : jamais où je suis. C’est un rieur total, un mec qui adore s’amuser, un fou de la fête. Et qui se cache presque pour penser. Qui pense énormément, mais comme en cachette. Qui bouge merveilleusement.

Les deux développent leur propre langage, leur identité scénique et vision artistique.

« Cynisme positif » ou « optimisme critique »?

Leurs chemins se croisent rarement. Ils entendent parler l’un de l’autre de temps en temps. Leur première rencontre sur un plateau date de mars 2015.

C’est vrai qu’il est difficile de les imaginer ensemble, tellement ils sont chacun «entiers». Moi, j’entends leurs rires, j’entends leurs conneries, j’entends leurs délires de jongleur, je les vois ensemble avec crainte et enthousiasme.

MüLLER / MüLLER est comme une nécessité.